Pierre Pétry
Un hommage à Pierre Pétry (1945–2017)
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À la fin de l’année 2023, la famille Pétry — et tout particulièrement ses frère et sœurs, Marie-Louise, Suzanne et René — décide de donner à la Fondation l’œuvre de Pierre, artiste animalier de génie, créateur d’un bestiaire… tellement peu ordinaire.
Une exposition de la Fondation Province de Liège pour l’Art et la Culture
Commissariat : Dominique Mathieu et Isabelle Neuray
À la galerie de Wégimont
Du 10 mai au 22 juin 2025
Vernissage le vendredi 9 mai 18h30
Finissage le dimanche 22 juin dès 14h
Pierre Pétry
Pierre Pétry

Né le 26 février 1945 au sortir de la guerre, il meurt en 2017 à l’aube de ses 72 ans. Étudiant à l’Académie des Beaux- Arts de Liège entre 1962 et 1971, il est l’élève notamment de Jean Debattice et de Mady Andrien. Il y retournera en tant que professeur (dessin, sculpture, peinture décorative) de 1974 à 2010. Cet artiste a marqué, en Province de Liège et ailleurs, toute une génération de peintres et de sculpteurs, d’esthètes et d’amateurs d’art, sans oublier les amoureux des bêtes et les férus d’hybridité.
« J’ai toujours aimé observer les animaux. Et je me suis créé un univers. Sans y mettre une intention particulière, je peux relever qu’il s’agit toujours d’espèces familières et que je ne les représente jamais dans une attitude agressive ou dans une situation de danger. Je travaille aussi à créer tout un bestiaire hybride où on identifie des figures humaines. Mais il n’y a ni symbolisme, ni narration. » [1]
Démunie face à l’ampleur d’une production artistique désormais orpheline, la fratrie n’a pas souhaité que celle-ci s’éparpille et disparaisse. L’œuvre de Pierre ne devait pas se retrouver dans des mains peu scrupuleuses, faisant fi de sa valeur et de sa portée humaniste. Elle n’allait pas non plus sombrer dans la désolation d’un garde-meuble. Suite à une rencontre fructueuse entre René Pétry et Paul-Emile Mottard, président de la Fondation, le Fonds Pétry est créé. Débute alors l’inventaire de l’œuvre de Pierre, celle qui reposait encore dans son lumineux atelier de la rue Basse-Wez à Liège. Cet ancien bâtiment industriel réhabilité, à l’ombre du parc des Oblats et de la colline de la Chartreuse, Pierre le partageait avec ses voisins et amis, les artistes Michel Léonardi et Roel Goussey. Sa présence y est toujours palpable…
La Fondation a relevé des sculptures de petites et moyennes dimensions, en plâtre, polyester, résine ou terre, aux couleurs souvent vives voire chatoyantes, parfois empruntées à la peinture de carrosserie : personnages anthropomorphes à l’allure simiesque, à la tête de lapin, d’hippopotame, de taureau, ou de drôles d’oiseaux, … ; sculptures animalières, gallinacés et autres volatiles, cochons, lapins, équidés, poissons, pingouins…

De grands et petits dessins aussi, à l’huile ou au fusain, et aux sujets concordants.
Sur ce travail justement, Pierre s’exprimait ainsi : « Dans les dessins que je présente ici, c’est la ligne qui sert de guide à la composition. Puis, je reviens avec une matière picturale, de l’huile en bâton, appliquée avec une gestualité expressive. Les fonds blancs sont préservés, comme des silences. Je comprendrais qu’on apparente ces travaux à certains caractères de la peinture rupestre. Il y a aussi une allure d’estampe, peut-être de la lithographie avec des motifs décalés qui se super- posent, puis font naître d’autres images : une tête de cheval qui ressemble à un paysage. »*

Il en résulte une œuvre préservée de plus de 200 pièces auxquelles s’ajoutent des peintures de jeunesse, une foule de petits croquis, quelques carnets et des archives. Pierre Pétry a également pratiqué l’échange avec ses collègues et amis artistes puisque ont été découvertes d’autres œuvres aux dédicaces émouvantes. Tout cela témoigne de son long parcours dans l’imagerie onirique animalière, de quelques grands voyages, de son sens de l’ordre, de son goût du beau, de l’amitié, de sa volonté d’exposer, de travailler encore et toujours et ce jusqu’à son dernier souffle en 2017.
Un merci tout particulier est adressé à René, frère aîné de Pierre, grand amoureux des bonnes oies familières, celles de Konrad Lorenz et Selma Lagerlöf… Ce qui nous interpelle et nous éclaire aussi sur cette marotte si particulière de Pierre pour le motif animalier. « D’aussi loin que je me souvienne, a-t-il confié, j’ai toujours pris les animaux comme sujets. »* Pour donner le ton à cette ex- position posthume, la Fondation a invité Dominique Mathieu, fondatrice en 1993 du centre d’art contemporain liégeois Les Brasseurs, véritable laboratoire offrant aux artistes toute liberté pour créer. Elle a très bien connu Pierre qui fréquentait cet espace très convivial ouvert aux rencontres, aux échanges de pratique, à la réflexion. Dans l’exposition que nous vous offrons, Dominique a choisi de privilégier les représentations purement animalières. Un hommage doux et puissant à cet homme discret et élégant, parti sans faire de bruit…
secrétaire de la Fondation

La Fondation
La Fondation Province de Liège pour l’Art et la Culture

La Fondation Province de Liège pour l’Art et la Culture, présidée par Paul-Émile Mottard, voit le jour en 2017. Créée à l’initiative de Guy Vandeloise et Juliette Rousseff, un couple d’artistes liégeois désireux de léguer leur patrimoine à la Province de Liège, cette fondation d’utilité publique scelle une alliance entre l’Institution provinciale, les deux artistes et la création plastique. Les époux assurent ainsi la survivance de leur propre création artistique mais aussi de leur patrimoine personnel, un patrimoine immobilier et mobilier de collectionneurs érudits.
Outre le fonds Vandeloise-Rousseff, toujours sujet à se développer, la Fondation crée d’autres fonds distincts qui mettent en valeur des philosophies et des esthétiques de l’art différentes. Elle a la volonté de se tourner vers l’avenir en restant ouverte à des techniques et des attitudes multiples et variées. Elle privilégie les artistes ayant le sens de la liberté dans la recherche, à travers une pratique de l’art fondamentalement liée à la quête et à la construction de soi (psychologique, somatique, philosophique), en résonance avec le monde et par quelque moyen que ce soit.
Principalement dédiée aux arts plastiques, cette jeune fondation a pour mission de lutter contre le démantèlement de collections, d’œuvrer à la sauvegarde, à la conservation et à la valorisation de l’art liégeois des XXe et XXIe siècles. Constituant un vecteur de dynamisme et de développement culturels en Province de Liège, la Fondation met en valeur ses missions et les artistes qu’elle promeut par des expositions et rencontres, et l’édition de catalogues et ouvrages de réflexion. Elle s’emploie aussi à soutenir et promouvoir d’autres initiatives aux buts similaires.

Le bestiaire hybride
Le bestiaire hybride : une question d’humanité
cela aussi est le printemps
Buson »
Homme à tête d’éléphant, homme à tête de loup, à tête de chat, d’hippopotame, de lapin... Dans l’art de Pierre Pétry, depuis toujours, le monde animal se marie à l’hu- main. À moins évidemment, qu’il ne s’agisse de l’inverse. D’autant qu’à bien le regarder, ce curieux bestiaire arrive à nous surprendre au point que nous ne savons plus si c’est seulement le corps qui est animal ou si ce ne serait pas plutôt la mimique de leur visage, leurs yeux, leur port de tête qui... Les références sont immédiates, les associations faciles : d’Anubis au lapin d’Alice et de Raminagrobis au loup de Tex Avery.

Juxtaposer l’homme à l’animal est certes aussi vieux que le monde… Pour différencier les « tempéraments » humains, pour mieux en faire apparaître les particularités, de- puis longtemps les sociétés ont eu recours à l’affiliation animale, la brebis, l’aigle, le taureau, le lapin... Suivant la vieille physiognomonie, énoncée et illustrée par Gas- pard Lavater ou Charles Lebrun notamment, par simple ressemblance, on s’imaginait pouvoir identifier, dans
les traits physiques d’une tête ou d’un visage, les signes révélateurs d’une personnalité donnée, supposée parta- gée avec l’animal ; certaines expressions quotidiennes n’en ont-elles pas conservé l’empreinte ?
Si, à première vue, les procédés paraissent comparables, la référence, un peu facile, se révèle assez vite dépour- vue de véritable à-propos devant les œuvres de Pierre Pétry. Chez Pierre, s’il est question du monde animal, il est surtout question d’humanité. De profonde et de subtile humanité. Plutôt que le signe d’une volonté réductrice, ou d’une solution un peu rapide, pour ranger les hommes dans des catégories, l’association homme - animal chez Pierre est bien davantage la marque d’une particulière et peu commune attention aux hommes eux-mêmes. Sous ces airs d’amuseur d’enfants en mal de rêves, Pierre, avec son humour et sa réserve, nous murmure quelque chose qui parle de nous. Oui, de nous et ce même s’il avoue un peu vite, comme pour s’en excuser, avoir depuis toujours préféré étudier, dessiner, peindre et sculpter les animaux. Le chemin peut paraître détourné - par pudeur et par discrétion, par élégance aussi et la méthode surprend sans doute, mais, bien que les apparences du jeu soient trompeuses, c’est de nous qu’il parle.

[1] Propos de Pierre Pétry recueillis par Pierre Henrion en 2016