Dominique Collignon et Yves Piedboeuf
Sublimes

vendredi 3 novembre 2023
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Que cherche la peinture à dissimuler lorsqu’elle s’éloigne de la représentation ? Et que cherche-t-elle à montrer au-delà de ce qui est, lorsqu’en brouillant les pistes, elle nous entraine vers des terres inconnues et inexplorées ?
Lorsque l’image, perçue par la rétine, s’efface et se brouille, fait place enfin au ressenti révélé par l’acte de peindre ?
Durant l’été 1885, Cézanne explore une perception visuelle neuve en sortant la peinture de l’imagerie classique et du rendu de la perspective.
Maintes fois condamnée à l’oubli et reléguée dans les sous-sols des musées, la peinture toujours renaît de ses cendres. Elle a, tout au long du XXe siècle, trouvé son vocabulaire propre. En bouleversant les codes de l’observation, le peintre offre au spectateur la faculté d’immersion dans ces mondes voilés qui révèlent les tréfonds de son histoire personnelle.
Convoquant toutes les ressources de la perception de l’image, le dessin, la photographie, la peinture, l’artiste désormais fait part d’un monde sensible et dissimulé, jamais ostentatoire, mais toujours généreux, car il faut donner de soi-même et sans pudeur pour offrir à l’œil qui regarde la faculté de se saisir de l’œuvre et de la faire sienne.

À la galerie de Wégimont
Du 18 novembre au 17 décembre 2023
Vernissage le vendredi 17 novembre 2023 à 18h30

Dominique Collignon


La roche du chat Semois, 2022, huile sur toile, 50 x 40 cm

Gaumaise et fière, Dominique Collignon partage sa vie entre Virton et la Loire. Ni Dieu ni maître, si ce n’est le grand Olivier Debré, dont elle visite le musée qui lui est consacré à Tours. Dominique a entamé un parcours de peinture dans la veine impressionniste - que l’on peut aussi bien qualifier de ressentie - et poursuit inlassablement la pratique de son art dans la plus grande tradition. Diplômée de l’École Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris, où le Maître Debré présidant son jury lui recommande chaleureusement de persévérer, son œuvre n’est pour autant pas classique. Il importe de chercher dans chaque tableau cette perception que l’on pourrait éprouver en voyant défiler dans une nonchalance convenue les paysages lors d’un voyage en train.
La voici qui revient de Céret, petite ville de peintres au cœur des Pyrénées orientales, à proximité de Banyuls et Collioure, où son ami Alain Schmidt l’a invitée à occuper sa « minuscule galerie » en compagnie de Marylène Daussin.
Lorsqu’elle ne peint pas, « La Dom » cultive son potager ou part en s’égarant à la cueillette des champignons. Nourrissant son jardin intérieur, elle alimente son imaginaire pour l’offrir à nos yeux émerveillés. Un vrai bonheur !

Jean-Paul Laixhay
août 2023

Le petit chemin des noisettes, 2022, huile sur toile, 80 x 100 cm

Quelques autres regards : à propos de Dominique Collignon

L’art de Dominique Collignon est celui des choses, choses attentivement regardées, incrustées dans l’oeil et qui prennent du relief dans ces toiles, perdent leur éclat, leur flambant arrogant et se polissent, se peaufinent, se patinent. Acceptent le temps sur leur corps et prennent de la consistance dans l’eau épaisse des vernis. Et un savon peut être beau, comme un bunker, car ce n’est pas la chose qui est belle, mais ce que l’on y met de désir, de présence au monde, de poésie emplie. De souffle qui passe comme un vent sur le cœur, en un mot : de peinture

François Liénard,
juin 2005

Les couches de peinture à l’huile de Dominique Collignon sont autant de couches de brume. Ses arbres ont du flou plein leurs feuilles. Au milieu de ses herbes folles flottent des flocons de fleurs. Ses étangs sont des miroirs où se reflètent des forêts tempérées d’un fin brouillard. Ses horizons, ses ciels sont dissimulés et révélés par le même rideau nébuleux, impalpable, que celui dont elle revêt, sur la terre, les parcelles de nature que ses paysages intérieurs ont choisi de faire revivre en peinture. « Entre apparition et disparition, entre lumière et obscurité, en se fondant ou en les laissant fondre en eux, les regards d’inconnus peuvent reconnaître dans ces microcosmes voilés certaines lueurs enfouies dans leurs propres tréfonds… »

Alain Renoy,
septembre 2023


L’or des cimes de la Semois, 2022, huile sur toile, 100 x 80 cm

Dominique Collignon aime la peinture vivante ; elle aime ce qui bouge, ce qui bruit autour d’elle et la fait bouger : la vie. Elle regarde, écoute, touche, enregistre des sensations, des émotions qui ont les couleurs de son âme.
Elle se souvient d’avant et de demain. Le mouvement qui la porte à peindre est le même que celui qui porte tout un chacun à parler, à sourire, à pleurer, à danser : le besoin vital de se connaître vivant et de le faire savoir.
Elle prend le pinceau, le couteau comme l’enfant son doigt, le poète son stylo, le guitariste sa guitare. C’est un mouvement naturel, instinctif, qui vient de l’intérieur de soi et va vers l’autre, un mouvement qui permet d’entrer dans sa peau, de s’y sentir à l’aise, puis d’en sortir, de partager.

Guy Goffette,
décembre 1989

Brumes d’anges Loire, 2022, huile sur toile, 70 x 90 cm

Biographie :
Vit et travaille à Virton en Belgique
Depuis 1984, nombreuses expositions en Belgique et en France
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Prix

  • 1985 Prix du Conseil supérieur du Mérite artistique européen (MAEKV), Ostende.
  • Prix Peinture Henri Litt, Verviers.
  • 1989 2e Prix au Salon estival d’Art contemporain, Virton.
  • 1994 1er Prix Marie Howet.
  • 2009 Prix Albert Jos de l’Académie royale de Belgique.
  • 2010 Sélectionnée par Canvas, RTBF, exposée à BOZAR.

Yves Piedbœuf


Sans titre, 2023, acrylique et huile sur toile, 150 x 150 cm

Diplômé de l’École Saint-Luc de Liège en 1990, Yves Piedbœuf poursuit un parcours de peintre et de photographe, parallèlement à l’enseignement qu’il donne dans ce même institut. Il pourrait être géographe, reporter, astrologue … il est plasticien. Il est aussi rêveur et historien. Car ce qui préoccupe cet artiste touche-à-tout, c’est la genèse d’un parcours, d’un événement, celui qui s’est passé et qui peut-être se passera, le regard du spectateur fera le reste !
Son oeil s’attarde sur la mémoire et sur la vie des choses qui fuient et se dissolvent, sur la vie et la mort. Privilégiant quelquefois la photographie (le dessin et la peinture ne sont jamais loin), il s’amuse des profondeurs de champs, manipule le flou et le net, le grain, les collages, les perspectives, le statique et le mouvant …
En jalonnant son parcours d’images de racines, de lichens, de cabanes, de troncs d’arbres et de ligaments, Yves nourrit sa perception intérieure de clichés, de photographies anciennes qu’il rephotographie quelquefois et les réinterprète pour mieux nous indiquer la survivance de ses impressions intimes, palimpsestes improbables, témoins de ses vagabondages.
Une autre dimension encore : au travers de sa démarche, il y a quelque chose de l’ordre de la conjuration, du rite, en antidote au monde cyberaseptisé, un rebasculement à l’élémentaire et au silence, à la méditation.
Quel cadeau !
Dans la présentation des œuvres, peintures, dessins, photographies, qui nourrissent la pratique de ces deux plasticiens, l’exposition rend compte de cette mise à distance de ces médiums classiques à leur genre initial par le « non-dit », un moyen de troubler la perception et rendre la lecture — visuelle et narrative — mystérieuse et quelquefois intrigante. … SENSIBLE.

Jean-Paul Laixhay
août 2023

À propos de Yves Piedbœuf

Sans titre, 2023, acrylique et huile sur toile, 150 x 150 cm

Dans son œuvre, pas de séduction ostentatoire, c’est l’ombre qui prime parfois sur la lumière. Une radicalité vraie qui témoigne de l’esprit du temps et d’un sentiment de tragique face à la finitude…

Lino Polegato,
Galerie Flux,
Liège, 2009

...Personne ne savait au juste où tu te terrais durant des matinées entières après avoir déambulé sans destination précise, ivre d’un paysage qui te dépassait.
Était-ce en bord d’Aisne ? Était-ce à Devantave ?
À Oster ? Ou plus loin encore ?

Tu considérais les bouleaux dans leur multitude.
Tu scrutais leurs troncs pour mieux en épier la vie.
Les tâches de lichen qui les recouvraient fixaient une cartographie improbable sur laquelle tu projetais tes détresses et tes rêves.
Leur écorce bichromatique t’obsédait.
Les chatons de leurs feuilles apaisaient ton angoisse.

Te couchant sur le sol, tu t’imaginais croître de la terre.
Tu aurais pu y enfouir tes pieds, tes jambes, ton tronc.
Elle t’aurait enserré. Elle aurait fini par t’ensevelir.
Un peu d’humus aux commissures.
Le rictus déformé par le givre.
Déjà tu étais racine.

Éric Therer,
2023

Sans titre, 2023, acrylique et huile sur toile, 150 x 150 cm

Les histoires sans paroles d’Yves Piedbœuf
L’Unheimliche — ce concept freudien si célèbre et fragile à la fois — a sûrement déjà été mis à toutes les sauces, y compris dans la grande cuisine photographique. Ce savant dosage d’étrange et de familier, de proche et d’inaccessible, de jamais-vu et de déjà- là, n’est pourtant pas un mot vide ni un vain mélange, quand on se penche sur les photos d’Yves Piedbœuf.
Première, et comme immédiate, s’engage la perplexité.
Quelque chose a eu lieu, mais quoi ? Trois fois rien s’apprête à se passer ou à se dire, mais comment ? L’instant semble prêt à fuir, mais quand ? Dans cette photographie en apparence classique, dans ce 24x36 noir et blanc qu’on apparenterait commodément à « l’instant décisif », quelque chose d’indécis s’entête malgré tout et dévie sans cesse. Comme une lumière ténue, un souvenir fugace - une réminiscence, une rémanence même, beau mot qui donne à la série son titre allusif.
Les choses pourtant paraissent simples, mais souvent semble manquer un complément essentiel : une légende ou une explication ; un contexte ou un décor ; un bras même, ou bien une tête, ou les deux ; ou encore un interlocuteur.
Et c’est de ce côté incomplet, lacunaire que cette séquence, qui n’en est pas une, tire son côté intrigant.
Comme un jeu sur le hors-champ dont aucun plan suivant ne viendrait donner la clé ; comme un jeu sur le hors-temps, qui rend l’image difficile à dater ; comme une imprécision même à travers les détails, d’où sourd une dimension à la fois intime et universelle.
Ce jeu — car il y en a chez Piedbœuf, plus sûrement encore dans ses photos que dans sa peinture — ne saurait s’accommoder de mise en scène ou de préméditation.
Un je ne-sais- quoi de spontané parvient à capter le tragique de l’éphémère, de l’inaccompli, du transitoire.
Ça pourrait vite tourner à l’obsession, cette affaire-là ;
d’ailleurs ça y tourne, n’en doutons pas. Tant de choses ne sont plus là, mais y sont quand même, vous savez : le désir ou la lumière d’une étoile, un parfum après qu’on a fermé les yeux, une lueur malgré la disparition…
Une magie, un magnétisme familier. Tendresse esquissée ou violence contenue.
Peut-être tout cela ne veut-il rien dire — mais dans la vie, ne dit-on que ce qu’on veut ? — Peut-être convient-il de regarder ces images avec un oeil de peintre et une âme d’enfant. Peut-être importe-t-il surtout qu’une image soit porteuse de peut-être, davantage que de mots, d’explications ou de certitudes…

Emmanuel d’Autreppe,
avril 2021

Sans titre, 2023, noir et blanc, tirage jet d’encre sur papier « esquisse », 60 x 80 cm



Biographie :

Vit et travaille à Somme-Leuze en Belgique
Depuis 1988, nombreuses expositions en Belgique,
France, Hollande, Finlande, Japon
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Prix

  • 1990 Prix du Ministre Président de l’Exécutif de la Communauté Française de Belgique
  • Prix Charlemagne, Berneau 1991
  • Prix du Rotary de Visé 1992
  • Prix du Rotary de Maastricht 2008
  • Prix de la SABAM,
  • Galerie Juvénal, Huy 2009
  • Acquisition d’une peinture par la Province de Liège

Sans titre, 2023, noir et blanc, tirage jet d’encre sur papier « esquisse », 60 x 80 cm

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