Côte à côte
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Du 1er juin au 31 juillet 2016
Galerie du Cinéma Churchill à 4000 Liège
Jo Struyven est un photographe rare, obstiné et inclassable, établi à Bruxelles. Ses projets sont peu nombreux mais chaque fois de grande ampleur, menés avec la persévérance mais aussi avec la liberté de sujet, de ton et d’approche qui sont souvent l’apanage des amateurs et des passionnés – presque des grands obsessionnels.
Il y a quelques années, il a photographié la côte belge, vue depuis le large. Toute ? Toute. Soixante-sept kilomètres et quelques grains de sable. Non seulement cela mais il a aussi photographié, juste en face, la portion correspondante de littoral anglais. Il en a résulté un livre, des expos (pas toujours simples à mettre en place !) et la reconnaissance immédiate de la qualité et de la singularité de son projet.
Car par-delà la performance technique (des milliers de prises de vue traitées et recomposées bout à bout en une seule image !), par-delà le vertige immédiat qui saisit le regardeur face à ce panorama qu’il ne peut embrasser d’un seul coup du regard, ce qui frappe c’est le paradoxe, précisément, de ce regard provoqué, convoqué. À la fois englobant et détaillant, contemplatif et intransigeant, car une double approche est en effet possible mais pas en même temps ; soit le survol général, l’aperçu qui n’est réservé, en principe, qu’aux oiseaux libres qui peuvent balayer le large à bonne distance, pas trop près, pas trop loin. Mais aussi le décompte inlassable des ressemblances et des différences, la focalisation sur le détail, la confrontation toujours troublante du souvenir et de la réalité (du moins de la réalité de l’image).
Car le plus beau est encore à venir, une fois que les langues qui se délient prennent les relais du regard qui balaie : dans les souvenirs, les récits, les anecdotes qui se nichent au creux des dunes et jaillissent pour nous fouetter le visage. Car la côte belge, chacun d’entre nous y a laissé des petits bouts d’enfance – et elle a laissé des petits bouts d’enfance en chacun d’entre nous. Vient alors le plaisir, éminemment proustien, de tremper nos madeleines intimes dans son grand thé, de faire resurgir de l’image mille instants, mille impressions, mille miettes de mémoires individuelles et collectives.
Dans la foulée de cette idée géniale et simple, Jo Struyven a reçu une commande, l’invitant à traiter de la même manière le port de Bruxelles : histoire d’eau, encore. Et plus encore à Venise, dont il a arpenté la lagune avec la même rigueur, le même systématisme, à mi-chemin du constat le plus littéral (ou littoral) et du rêve éveillé.
Mais parce que les eaux portent aussi les enjeux humains, douloureusement humains, des migrations et de la mondialisation, le photographe ne pouvait pas non plus faire l’impasse sur certaines réalités dérangeantes, certaine actualité prégnante, qu’il nous invite à aborder autrement que par le langage et les chiffres stéréotypés des médias. Sa dernière « série », sur Lampedusa, réconcilie dès lors le poétique et le politique, nous rappelant que derrière les aplats émeraude des vagues, derrière les abords ocres des plages, derrière même le bleu uni d’un ciel en apparence serein, des drames se jouent, à nos portes, sous nos yeux – que nos yeux les voient, ou pas.
Emmanuel d’Autreppe
Galerie du Cinéma Churchill, rue du Mouton Blanc à 4000 Liège
Galerie ouverte tous les jours de 14 à 24 heures, les week-ends et fériés de 12 à 24 heures
Renseignements Asbl WEGIMONT CULTURE
Gsm : 0477 38 98 35
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